Anciennes Compétences

Si le lien ne fonctionne pas, contactez le webmestre pour l'en informer.

 Période coloniale

BENSMAÏA Abdelhalim

Bensmaia_Abdelhalim.jpg

Profession : Savant, Enseignant, Théologien

Domaines de spécialité : Droit musulman, Théologie, Exégèse coranique, Rhétorique, Logique, Littérature arabe


Naissance, Origines & Formation

Abdelhalim Bensmaïa naît en 1866 à Alger, dans le quartier historique de La Casbah, au sein d'une famille d'origine turque distinguée. Son père, Ali Ben Abderrahmane Khodja, était le dernier mufti malékite d'Alger, une position religieuse de grande importance dans la société algérienne de l'époque. Ce père érudit, qui avait effectué ses études au prestigieux centre d'apprentissage du Caire, officiait à la mosquée Djemaâ Djedid (la Nouvelle Mosquée) et attachait une importance capitale à l'éducation morale et religieuse de son fils.

Cette filiation prestigieuse marquera profondément la formation intellectuelle et spirituelle d'Abdelhalim, qui bénéficiera dès son plus jeune âge d'un environnement familial propice à l'épanouissement de ses capacités intellectuelles et de sa conscience religieuse. L'influence paternelle sera déterminante dans l'orientation de sa future carrière d'enseignant et de théologien.

Carrière

Abdelhalim Bensmaïa s'impose rapidement comme l'une des figures les plus marquantes du mouvement réformiste algérien du début du XXe siècle. Précurseur intellectuel, il se distingue par ses positions courageuses et son refus catégorique de l'assimilationnisme colonial, adoptant une attitude d'irréductible résistance culturelle et religieuse.

Son parcours professionnel débute en 1896 lorsqu'il rejoint le corps enseignant de la Médersa Thaâlibyya (Tsalibia) d'Alger dès son ouverture. Dans cette institution d'enseignement supérieur islamique, il dispense des cours de droit musulman, de rhétorique et de logique, matières fondamentales de la formation intellectuelle musulmane traditionnelle. En 1904, la médersa s'installe dans un nouveau bâtiment, toujours existant aujourd'hui, témoignage architectural de cette période d'effervescence intellectuelle.

Un tournant significatif de sa carrière intervient en 1916 lorsqu'il échange sa chaire de rhétorique et de littérature arabe contre celle de théologie et d'exégèse coranique, révélant par ce choix son approfondissement dans les sciences religieuses et son désir de former les consciences dans l'interprétation des textes sacrés.

Bensmaïa entretient des relations intellectuelles privilégiées avec les grandes figures du réformisme de son époque. Il reçoit notamment à Alger le cheikh Mohamed Abdou, célèbre réformiste égyptien, au début du siècle, aux côtés du cheikh Belkacem El Hafnaoui, grand érudit et mufti d'Alger. Ce dernier forma une génération brillante de disciples incluant Abderrahmane Djilali, Mohamed Bencheneb, Baba Ameur et bien d'autres figures marquantes de l'intelligentsia algérienne.

Sa personnalité se caractérise par un tempérament de révolté plutôt que de révolutionnaire, ce qui explique sa proximité avec l'émir Khaled et ses prises de position particulièrement fermes lors de la commémoration provocatrice du centenaire de la colonisation en 1930. Cette attitude témoigne de sa fidélité aux valeurs traditionnelles tout en exprimant une résistance culturelle et intellectuelle face à la domination coloniale.

Distinctions & Reconnaissances

L'épisode le plus célèbre et le plus révélateur de la personnalité d'Abdelhalim Bensmaïa concerne sa réaction face aux tentatives d'amadouement de l'administration coloniale française. Selon les témoignages rapportés, cette dernière lui décerna la Légion d'honneur, probablement dans l'espoir de s'attirer ses bonnes grâces et de neutraliser son influence critique.

La réponse de Bensmaïa fut d'une audace et d'une éloquence symbolique remarquables : il accrocha la décoration à la queue de son cheval et se promena ainsi à travers les rues d'Alger. Ce geste, devenu légendaire, constitue un magnifique pied de nez à la "soldatesque française" qu'il n'avait cessé de fustiger, démontrant par cet acte symbolique fort son mépris pour les tentatives de récupération coloniale et sa fidélité inébranlable à ses convictions.

Cette anecdote, bien qu'elle puisse paraître anecdotique, révèle en réalité la profondeur de sa résistance intellectuelle et morale face au système colonial et illustre parfaitement son caractère irréductible.

Productions, Impact & Influence

Abdelhalim Bensmaïa incarna le modèle exemplaire du savant-enseignant, accomplissant avec brio sa mission éducatrice au sein de la Médersa Thaâlibyya pendant les trois premières décennies du XXe siècle. Son influence s'exerça en collaboration avec d'autres maîtres de renom, contribuant à former une génération d'intellectuels algériens imprégnés des valeurs du réformisme islamique.

Au-delà de son rôle d'enseignant, Bensmaïa manifesta constamment sa préoccupation pour le sort de ses compatriotes, particulièrement durant les périodes critiques comme celle de la conscription en prévision de la Première Guerre mondiale. Cette dimension sociale de son engagement témoigne de sa conception globale du rôle de l'intellectuel dans la société.

Son parcours intellectuel remarquablement riche et son influence considérable sur ses disciples font de lui une figure incontournable de l'histoire intellectuelle algérienne. Comme le soulignait Lounès Aït Aoudia, président de l'association des Amis de la Rampe Louni Arezki, "ce professeur émérite à la médersa d'Alger eut un itinéraire à la mesure de ses prodigieuses qualités".

L'impact de son enseignement se mesure également à travers les témoignages de personnalités comme Kadour M'hamsadji, écrivain et chantre de La Casbah, qui décrit avec précision l'influence de Bensmaïa sur la préservation et la transmission des "us et coutumes de cette imprenable citadelle" qu'est la Casbah d'Alger.

Il convient de noter que sa disparition en 1933 marque la fin d'une époque, celle des grands réformistes de la première génération, laissant derrière lui un héritage intellectuel et moral considérable qui continue d'inspirer les générations suivantes.

Références et sources bibliographiques

Sources primaires et ouvrages de référence :

• Achour Cheurfi (2001), La Classe politique algérienne (de 1900 à nos jours), Dictionnaire biographique, Université de Michigan, p. 96

• Achour Cheurfi (2007), L'encyclopédie maghrébine, Alger, Casbah, 1180 p. (ISBN 9789961646410), p. 223

• Achour Cheurfi (2001), La Classe Politique Algérienne (de 1900 à nos jours) : Dictionnaire Biographique, Alger, Casbah, 511 p. (ISBN 9789961642924), p. 96

Articles de presse et publications spécialisées :

• Hamid Tahri, « Abdelhalim Bensmaïa : du savant... aux cours par correspondance », El Watan, 4 juin 2013

• Lounis Ait Aoudia, « Abdelhalim Bensmaïa : Une légende du terroir ressuscitée », L'Expression, 5 juin 2013

• Hamid Tahri, « Le penseur émérite et la medersa perdue », El Watan, 17 juillet 2014

• « Abdelhalim Bensmaïa : du savant... aux cours par correspondance », El Watan, 4 juin 2013, disponible sur https://www.djazairess.com/fr/elwatan/416214

Sources numériques :

• Article Wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Abdelhalim_Bensma%C3%AFa