Anciennes Compétences
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BEN BADIS Abdelhamid
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Théologien, Réformateur et Leader nationaliste Association des Oulémas Musulmans Algériens, Algérie |
Origines & Formation
Abdelhamid Ben Badis est né le 4 décembre 1889 à Constantine, au sein d'une famille aristocratique profondément ancrée dans l'histoire de la ville. Les Ben Badis étaient une famille constantinoise de souche ancienne, avec plusieurs siècles de présence continue dans la ville et une participation active à la vie publique. Son père, Mohamed Mustapha (1868-1951), était un important propriétaire terrien et l'un des notables les plus influents de la région constantinoise.
Dès son plus jeune âge, Ben Badis grandit dans un environnement pieux et traditionaliste. Il mémorisa le Coran à l'âge de treize ans et fut placé sous le préceptorat de Hamdân Benlounissi, un disciple proche du savant Abdelkader El Medjaoui (1848-1914), qui lui inculqua les fondements des sciences religieuses islamiques.
Sa quête de savoir le conduisit, en 1908, à entreprendre son premier voyage d'étude vers la prestigieuse mosquée Zitouna de Tunis, alors considérée comme l'un des grands centres intellectuels du monde musulman. Durant ce séjour formateur, il rencontra d'éminents savants qui influencèrent considérablement sa pensée, notamment Mohamed Al Nakhli, qui l'initia à la réforme islamique (islah) et à une méthode moderne d'interprétation du Coran, ainsi que Mohamed Al Taher Ben Achour, qui développa en lui l'amour profond de la langue arabe et de sa littérature.
Carrière Scientifique
De retour en Algérie, Ben Badis commença son enseignement à la Grande mosquée de Constantine. Toutefois, face à l'hostilité que rencontrait le mouvement réformiste musulman, il décida de repartir, cette fois vers le Moyen-Orient, pour approfondir ses connaissances et consolider sa vision réformatrice.
Après avoir accompli le pèlerinage à La Mecque et Médine, il séjourna trois mois dans cette dernière ville où il donna des cours à la Mosquée du Prophète, confirmant ainsi sa stature d'érudit. C'est durant ce séjour qu'il rencontra Mohamed Bachir El Ibrahimi, avec qui il se lia d'une profonde amitié et qui devint l'un de ses plus fidèles compagnons dans le mouvement réformiste.
En 1913, Abdelhamid Ben Badis rentra définitivement en Algérie et s'installa à Constantine où il entama véritablement son œuvre d'enseignement et de réforme. Il commença par donner des cours à la mosquée Sidi Lakhdar, d'abord aux enfants puis aux adultes, démocratisant ainsi l'accès au savoir religieux et à la culture arabo-musulmane.
Sa contribution intellectuelle fut également marquée par son activité journalistique, avec la publication en 1925 du journal critique al-Mountaqid (Le Critique). Suite à l'interdiction de ce dernier par les autorités coloniales, il fonda successivement les périodiques Ach-Chihab (Le Météore) puis al-Bassaïr (Les Clairvoyances), qui devinrent des tribunes essentielles pour la diffusion de ses idées réformistes et pour l'éveil de la conscience nationale algérienne.
Distinctions & Reconnaissances
L'œuvre la plus importante de Ben Badis fut sans doute la fondation, en 1931, de l'Association des Oulémas Musulmans Algériens, organisation qui joua un rôle crucial dans la préservation de l'identité algérienne face aux politiques d'assimilation coloniales. À travers cette institution, il contribua significativement à la renaissance culturelle et à l'éveil politique de l'Algérie du XXe siècle.
En 1936, Ben Badis participa également à la fondation du Congrès Musulman Algérien (CMA), une tentative d'unification des différentes tendances du mouvement national algérien. La même année, il reprit la direction de l'Association des Oulémas Musulmans Algériens, consolidant son statut de leader intellectuel et spirituel.
Bien que décédé avant l'indépendance de l'Algérie, sa contribution à la cause nationale a été unanimement reconnue par l'État algérien indépendant. La date de sa mort, le 16 avril, a été consacrée fête nationale intitulée « Youm el 'Ilm » (Journée du Savoir), célébrée chaque année comme hommage à son engagement pour l'éducation et l'émancipation intellectuelle du peuple algérien.
De nombreux lieux et institutions portent aujourd'hui son nom à travers l'Algérie, notamment des communes dans les wilayas de Constantine et de Sidi Bel Abbes, ainsi que des écoles, des universités et des centres culturels, témoignant de l'immense respect que lui porte la nation algérienne.
Impact & Influence
L'influence de Ben Badis sur l'Algérie moderne est considérable et multidimensionnelle. En tant que réformateur religieux, il a œuvré pour une compréhension éclairée de l'Islam, compatible avec la modernité tout en restant fidèle aux fondements de la foi. Sa célèbre devise « L'Islam est ma religion, l'arabe est ma langue, l'Algérie est ma patrie » résume parfaitement sa vision qui alliait identité religieuse, patrimoine culturel et appartenance nationale.
Sur le plan éducatif, il a établi un vaste réseau d'écoles libres où l'enseignement était dispensé en langue arabe, contrecarrant ainsi la politique de francisation imposée par le système colonial. Ces institutions, connues sous le nom de "madaris hurra" (écoles libres), ont formé des milliers de jeunes Algériens aux valeurs de leur patrimoine culturel et à une vision progressiste de leur société.
Politiquement, bien que n'ayant jamais prôné la lutte armée, Ben Badis a contribué de manière décisive à l'émergence d'une conscience nationale algérienne distincte. Sa réfutation catégorique de la thèse coloniale selon laquelle l'Algérie serait une simple extension de la France, résumée dans sa célèbre affirmation : « Cette nation algérienne n'est pas la France, ne peut pas être la France, et ne veut pas être la France », constitue l'un des fondements idéologiques du nationalisme algérien.
Dans les dernières années de sa vie, Ben Badis s'est également distingué par son opposition aux idéologies fascistes et antisémites qui se répandaient alors en Europe et dans certains cercles coloniaux, réaffirmant ainsi son attachement aux valeurs humanistes de l'Islam.
Abdelhamid Ben Badis est décédé prématurément le 16 avril 1940 à Constantine, à l'âge de 50 ans, mais son héritage intellectuel et spirituel continue d'inspirer les générations d'Algériens jusqu'à nos jours.
Pour en savoir plus
- Merad, Ali. "Le réformisme musulman en Algérie de 1925 à 1940 : essai d'histoire religieuse et sociale", Mouton, 1967.
- Colonna, Fanny. "Les instituteurs algériens, 1883-1939", Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1975.
- McDougall, James. "History and the Culture of Nationalism in Algeria", Cambridge University Press, 2006.
- Christelow, Allan. "Muslim Law Courts and the French Colonial State in Algeria", Princeton University Press, 1985.
- Chachoua, Kamel. "L'islam kabyle : religion, État et société en Algérie", Maisonneuve & Larose, 2001.
- Institut Ibn Badis : www.institutibnbadis.com