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 الفترة الاستعمارية

ZENAGUI Abdelaziz

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Homme de lettres, Poète, Enseignant, Interprète

Domaines de spécialité : Littérature arabe, Poésie Hawzi, Dialectologie, Ethnographie, Traduction, Pédagogie


Origines & Formation

Abdelaziz Zenagui naît en 1877 à Tlemcen, cette perle de l'Ouest algérien, ville millénaire imprégnée d'histoire et de culture andalouse. Issu d'une famille modeste - son père exerçait le métier de bottier -, il grandit dans un environnement où se mêlent harmonieusement les traditions ancestrales et l'ouverture intellectuelle caractéristique de cette cité cosmopolite.

Dès son plus jeune âge, Abdelaziz manifeste une soif insatiable de connaissance et une aptitude remarquable pour les études. Il entame sa formation dans la prestigieuse médersa de Tlemcen, institution séculaire qui a formé de nombreuses générations d'érudits maghrébins. Cette première formation lui permet d'acquérir les bases solides de la culture islamique traditionnelle, de la langue arabe classique et des sciences religieuses.

Animé par une ambition intellectuelle qui dépasse les frontières de sa ville natale, le jeune Zenagui poursuit ses études à la médersa d'Alger, alors considérée comme l'un des centres d'enseignement les plus réputés du Maghreb. À la fin du XIXe siècle, il y obtient le diplôme supérieur, reconnaissance de son excellence académique et de sa maîtrise parfaite des disciplines enseignées.

Mais Abdelaziz Zenagui ne s'arrête pas là. Comprenant l'importance cruciale de maîtriser les langues et les savoirs européens dans le contexte colonial de l'époque, il franchit la Méditerranée pour rejoindre Paris. Il s'inscrit à la prestigieuse École des Langues Orientales, future INALCO (Langues O), où il obtient un diplôme d'arabe. Cette double formation, alliant tradition orientale et modernité occidentale, fait de lui un intellectuel d'exception, capable de naviguer avec aisance entre deux mondes culturels.

Carrière Scientifique

La carrière d'Abdelaziz Zenagui s'ouvre de manière exceptionnelle au début du XXe siècle. En 1902, sur recommandation d'Octave Houdas - éminent ethnographe, traducteur et professeur français spécialisé en arabe littéral -, il devient le premier répétiteur d'arabe algérien aux Langues Orientales de Paris. Cette nomination revêt une importance historique considérable : Zenagui succède à plusieurs répétiteurs égyptiens et devient ainsi le premier Algérien à occuper cette fonction prestigieuse dans l'institution parisienne.

Dans ce rôle pionnier, Zenagui entretient des relations suivies et enrichissantes avec les membres de l'intelligentsia française de l'époque. Il côtoie des intellectuels de premier plan, dont beaucoup parlent couramment l'arabe, ce qui lui permet de converser indifféremment en français ou en arabe. Ces échanges interculturels nourrissent sa réflexion et lui permettent de faire des observations perspicaces sur l'état d'avancement des sciences et l'évolution de la société française.

Sa compétence et son sérieux académique lui valent d'être bien noté par ses supérieurs hiérarchiques. Il collabore étroitement avec Maurice Gaudefroy-Demombynes, éminent arabisant français et spécialiste de l'islam et de l'histoire des religions. Pour ce dernier, Zenagui compose un remarquable "Récit en dialecte tlemcénien" que l'ancien directeur de la médersa de Tlemcen édite et traduit en 1904. Ce travail fait de Zenagui l'un des précurseurs de l'utilisation littéraire de l'arabe parlé, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives dans l'étude et la valorisation des dialectes maghrébins.

En 1904, sa réputation d'arabisant et d'interprète de talent lui vaut d'être recruté pour l'expédition dirigée par René de Segonzac dans le Maroc méridional. Cette mission d'exploration géographique et ethnographique témoigne de la confiance accordée à ses compétences linguistiques et culturelles. Durant cette période d'absence (1904-1905), il est suppléé dans son enseignement parisien.

En 1906, son compatriote El Koubi lui succède comme répétiteur aux Langues Orientales. Zenagui retourne alors en Algérie où il aurait été nommé cadi (juge islamique), fonction qui témoigne de sa reconnaissance en tant qu'érudit religieux et juriste. Il devient ensuite professeur à la médersa de Tlemcen, bouclant ainsi la boucle de sa formation initiale en y transmettant à son tour le savoir à de nouvelles générations d'étudiants.

Parallèlement à ses activités académiques et pédagogiques, Zenagui se distingue par sa collaboration avec René Basset dans le monumental travail de collecte pour la série "Mille et un Contes, récits et légendes arabes. Contes merveilleux. Contes plaisants". Cette participation à la préservation du patrimoine oral maghrébin illustre son engagement en faveur de la sauvegarde des traditions populaires.

Distinctions & Reconnaissances

La reconnaissance d'Abdelaziz Zenagui s'exprime à travers plusieurs dimensions de son œuvre intellectuelle et de son engagement patriotique. Sur le plan académique, il se distingue comme pionnier dans l'usage littéraire de l'arabe dialectal, notamment à travers son célèbre "Récit en dialecte tlemcénien" publié dans le prestigieux Journal asiatique en 1904. Cette publication marque un tournant dans l'approche scientifique des dialectes maghrébins et ouvre la voie à de nouvelles recherches en dialectologie.

Sa nomination comme premier répétiteur algérien aux Langues Orientales de Paris constitue une reconnaissance exceptionnelle de ses compétences linguistiques et pédagogiques. Cette distinction témoigne de la confiance accordée par l'institution française à un intellectuel algérien, fait remarquable dans le contexte colonial de l'époque.

Durant la Première Guerre mondiale, Zenagui fait preuve d'un patriotisme exemplaire en s'engageant dans les rangs français contre l'Allemagne. Il traverse le conflit indemne, témoignant de son courage et de sa loyauté envers la France, pays qui lui a offert des opportunités de formation et de carrière.

Cependant, l'après-guerre révèle une facette plus complexe de sa personnalité. Avec d'autres compagnons, Zenagui cherche à faire évoluer le statut des Algériens, s'appuyant sur les promesses faites avant la conscription. Cette revendication légitime est malheureusement perçue par les autorités françaises comme un dangereux nationalisme. Ses poèmes patriotiques, empreints d'amour pour sa terre natale et d'aspirations à plus de justice sociale, lui valent d'être suspecté et finalement exilé à Paris.

Cet exil forcé, loin d'anéantir sa créativité, stimule paradoxalement sa production poétique. La nostalgie, le mal du pays et l'injustice ressentie nourrissent une œuvre poétique d'une intensité particulière, malheureusement restée largement inédite.

Impact & Influence

L'impact d'Abdelaziz Zenagui sur la culture algérienne et maghrébine s'articule autour de plusieurs axes majeurs qui témoignent de la richesse et de la complexité de sa personnalité intellectuelle.

En tant que poète et musicien, Zenagui occupe une place particulière dans l'histoire de la musique andalouse de Tlemcen. Il figure parmi les derniers grands créateurs à avoir enrichi le répertoire du genre Hawzi, cette forme poético-musicale emblématique de l'art andalou-maghrébin. Apprécié des maîtres de la musique andalouse de sa ville natale, il compose plusieurs poèmes qui s'intègrent harmonieusement dans cette tradition séculaire, contribuant ainsi à perpétuer et renouveler un patrimoine artistique d'une valeur inestimable.

Sur le plan linguistique et littéraire, Zenagui joue un rôle de précurseur fondamental. Son utilisation pionnière de l'arabe dialectal dans la littérature écrite ouvre de nouvelles perspectives méthodologiques et esthétiques. À une époque où l'arabe classique domine exclusivement la production littéraire savante, il ose franchir le pas en donnant ses lettres de noblesse au dialecte tlemcénien. Cette démarche novatrice inspire les générations futures d'écrivains et de linguistes maghrébins dans leur approche des langues populaires.

Dans le domaine de l'enseignement et de la transmission des savoirs, son parcours exemplaire de premier répétiteur algérien aux Langues Orientales de Paris établit un précédent historique important. Il démontre que les intellectuels maghrébins peuvent rivaliser avec leurs homologues européens dans la maîtrise et l'enseignement de leur propre patrimoine linguistique et culturel. Cette réussite académique ouvre la voie à d'autres intellectuels algériens et contribue à valoriser les compétences autochtones.

Sur le plan politique et national, bien que ses idées nationalistes lui aient valu l'exil, Zenagui participe à l'émergence d'une conscience nationale algérienne. Avec d'autres intellectuels du Maghreb, il contribue aux premiers balbutiements du mouvement nationaliste, revendiquant une évolution du statut des Algériens et une reconnaissance de leurs droits légitimes. Ses poèmes patriotiques, empreints d'amour pour la terre natale et d'aspirations à la justice, constituent un témoignage poignant des aspirations de sa génération.

L'exil parisien, loin de diminuer son influence, amplifie paradoxalement sa stature d'intellectuel engagé. La nostalgie et le mal du pays transforment sa douleur en création poétique d'une rare intensité. Ses compositions de cette période, marquées par la mélancolie et l'espoir, résonnent avec les sentiments de nombreux Algériens confrontés à l'expatriation forcée ou volontaire.

Le retour autorisé à Tlemcen peu avant sa mort en 1932 constitue une forme de reconnaissance tardive de la part des autorités françaises. Cette autorisation exceptionnelle témoigne du respect que ses qualités intellectuelles et humaines ont fini par inspirer, malgré les tensions politiques.

Son héritage contemporain se perpétue notamment à travers la biographie romancée élaborée par Rabia Tazi et Annick Zennaki, qui ont su puiser dans les archives familiales pour redonner vie à cette figure complexe et attachante. Cette démarche mémorielle illustre l'importance accordée aujourd'hui à la préservation et à la valorisation des parcours de ces intellectuels pionniers qui ont jeté les bases de la renaissance culturelle maghrébine.

Pour en savoir plus

Œuvres et Publications principales :

"Récit en dialecte tlemcénien", Journal asiatique, 1904 - édité et traduit par Maurice Gaudefroy-Demombynes

• Multiples articles en français et en arabe dans diverses revues scientifiques

• Collaboration à "Mille et un Contes, récits et légendes arabes. Contes merveilleux. Contes plaisants" avec René Basset

• Poèmes du genre Hawzi (tradition orale, largely unpublished)

• Compositions poétiques patriotiques de la période d'exil (mostly unpublished)

Références bibliographiques et sources :

Rabia Tazi, Annick Zennaki, Méditerranée, rêve d'impossible ? Un intellectuel algérien au début du siècle, roman historique, Paris, L'Harmattan, octobre 2012, 236 pages (ISBN 978-2-336-00091-6) Wikipedia (français) - Abdelaziz Zenagui Maurice Gaudefroy-Demombynes, "Récit en dialecte tlemcénien", Journal asiatique, 1904 Archives de l'École des Langues Orientales (INALCO), Paris - Dossiers pédagogiques 1902-1906 René Basset, "Mille et un Contes, récits et légendes arabes" - Notes sur les collaborateurs Archives nationales françaises - Dossiers coloniaux, Série F80 (Affaires algériennes) Recherches sur la musique andalouse de Tlemcen - Répertoire Hawzi et ses contributeurs